Je lis donc je suis

Je ne m'attendais pas à être aussi secouée par un roman de Delphine de Vigan ! D’autant plus que “Les enfants sont rois” ne m’a pas tout de suite intriguée. Si j’ai eu vent de sa parution au début de l’année, je ne m’y suis finalement intéressée que plusieurs mois après, grâce à l’avis positif de Laura ainsi que celui de ma petite sœur. Pourtant, il y a une dizaine d’années, j’avais découvert “No et moi” de la même auteure, et ce roman m'avait déjà beaucoup marquée. Résultat, une fois dans mes mains, j’ai tout simplement dévoré “Les enfants sont rois” - en quelques heures seulement.

"La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s'étonna de l'autorité qui émanait d'une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l'obscurité. " On dirait une enfant ", pensa la première, "elle ressemble à une poupée", songea la seconde. Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire".
A travers l'histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d'une époque où l'on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s'expose et se vend, jusqu'au bonheur familial.

Avec ce titre mystérieux au premier regard, Delphine de Vigan questionne un pan de notre société : le métier d'influenceur - et plus particulièrement, les enfants influenceurs. Un sujet très “touchy”, peu abordé aujourd'hui par la loi, ou par les personnes directement concernées. Corrigez-moi si je me trompe, mais je connais très peu d’influenceurs qui s’expriment sur le fait d’exposer leur enfant sur les réseaux (je parle ici des personnes qui montrent le visage de leurs enfants). Ainsi, ce roman résonnera différemment en fonction de son lecteur : les personnes n'ayant que très peu de connaissance des réseaux sociaux et de son fonctionnement (unboxing, partenariat, etc) seront sans doute choquées devant une telle incitation à la consommation. D'autres, peut-être plus jeunes et consommateurs de cette nouvelle façon de vivre la téléréalité, sauront déjà tout du type de vidéos proposées par les chaînes qui ont inspiré Delphine de Vigan pour « Happy récré ».

D'une plume maîtrisée et terriblement addictive, Delphine de Vigan nous propose dans un premier temps la place d’observateur. Qu'est-ce qu'un influenceur ? Qu'est-ce qui motive une personne à se lancer dans une telle carrière ? Quels en sont les rouages, les retombées (financières ou autres) ? On sent un énorme travail de documentation à travers les pages de ce livre. C'est simple, on pourrait croire que Kimmy et Sammy sont réellement des enfants stars, regardés par des milliers - voire même des millions de fans. Au-delà de cette impression studieuse, on retrouve un implacable suspense : une petite fille de six ans a disparu. A l’horreur de ce simple fait vient s'ajouter la dimension de la célébrité : tout le monde connaît son nom et son visage.

C'est une véritable prise de position qui nous attend dans la dernière partie de roman. J'apprécie que l'auteur ait donné le temps à son lecteur de se forger une impression (bien qu'un peu influencé - c'est presque amusant à dire vu le contexte du roman) avant d'exposer son opinion. Chose à laquelle je ne m'attendais pas, on fait même un bond dans le futur ! Tel qu’imaginé par Delphine de Vigan, il me paraît tout de même sombre. Et je ne vous parle même pas des deux derniers chapitres, qui m'ont tout simplement glacée.

Bref, « Les enfants sont rois » est indéniablement un titre qui marque. La recette de son succès : un sujet intéressant qui ouvre le débat, couplé à une ambiance à la sauce thriller. De plus, avec ses personnages attachants (parfois malgré eux), il est de mon point de vue accessible à tous les âges. Alors, quand vous y plongez-vous ? 

+ le sujet abordé, les réflexions, l'écriture

- /

Lire aussi : l'avis de Laura