J'ai longtemps attendu avant de me lancer dans ce roman qui pourtant m'intriguait tant. « Le silence des vaincues » reprend une histoire que nous connaissons tous ; celle de la guerre de Troie et les exploits qu’y a livré Achille. Cependant, le roman est différent des autres récits du même genre car il donne la parole aux grandes oubliées des récits de guerre : les femmes. Cette lecture me paraissait donc être un excellent choix pour combler ma passion pour la mythologie grecque et ma recherche de récits féministes.
En quelques heures, la belle Briséis, reine de Lyrnessos, a vu sa vie s’effondrer en même temps que les murs de sa cité sous les assauts des Grecs. Son mari et ses frères ont été massacrés, et elle est devenue l’esclave, le trophée parmi d’autres, de l’homme qui l’a conquise : le divin Achille, dont les générations futures chanteront les exploits. Briséis doit alors choisir : se laisser mourir, ou survivre et raconter son histoire. L’histoire de la femme qui a fait basculer la guerre de Troie. Avec elle, après trois mille ans de silence, ce sont les voix de toutes les femmes rendues muettes par l’histoire qui s’élèvent. Esclaves, prostituées, guérisseuses, effacées au profit des faits d’armes des guerriers.
Rien de très original dans la construction du récit : l'histoire est déjà écrite, Pat Barker n'est pas là pour la réinventer. On revit donc les événements que l’on connaît déjà : la prise de Lyrnessos, le siège de Troie et les attaques sanglantes entre grecs et troyens, la ruse de Patrocle et son décès au combat, la tristesse et le désespoir d'Achille, son duel face à Hector... Oui, aucune surprise ne s'offre à nous au fil des chapitres ; excepté les découvertes que nous révèle Briséis sur ce en quoi consiste être une femme sur un camp ennemi. Un statut d'esclave, de « trophée », une valeur réduite seulement au physique - âge et beauté -, aucune considération excepté celle de la soumission et de la violence du quotidien, des conditions de vie déplorable... Tout ce que les histoires habituelles ne montrent pas !
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Il aurait été plus facile, par bien des côtés, de penser que nous étions tous pris au piège, prisonniers de cette étroite bande de terre entre les dunes et la mer. Plus facile, mais faux. Eux étaient des hommes, et des hommes libres. J’étais une femme, et une esclave. Et c’est un abîme qu’il ne faut pas laisser masquer par tous les beaux discours sur l’emprisonnement partagé.
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Je suis sûre que, comme moi, vous avez déjà vu le film « Troie » avec Brad Pitt campant le fier et victorieux Achille. Dans cette œuvre, Patrocle et lui sont glorifiés ; ils apparaissent comme les “gentils” de l’histoire et sont montrés relativement compréhensifs avec les femmes. Aucune scène de violence envers elles n’est montrée à l’écran - et ce n’est pas une question de “ne pas choquer”, surtout quand on voit les scènes de combat ! Tout est donc remis en perspective avec « Le silence des vaincues » car Briséis rappelle que les hommes qui deviennent le mari des vaincues (et le père de leurs futurs enfants !) ont tué auparavant les frères, les pères, les maris et même les enfants de ces mêmes femmes - souvent sous leurs yeux.
Un roman captivant et pertinent donc, mais qui ne m'aura pas entièrement convaincue. Je suis malheureusement restée de marbre devant Briséis. Bien sûr, j'ai été touché par son sort, écœurée de voir les traitements qui lui sont infligés, et révoltée par la vie qui attendait les femmes de manière générale. Mais c'est le personnage en lui-même à qui je n'ai pas su m’attacher ; car Pat Barker déroule son récit dans un ton froid, expose les faits sans y ajouter une once d'émotion. Ce procédé m’a d'abord décontenancée et presque déçue, mais finalement, et si ce n'était pas l'état dans lequel Briséis se trouve ? Réussir à totalement se détacher des choses, l'esprit en dehors du corps - tout ça dans l’espoir que rien ne la touche, pour qu'elle puisse garder la tête hors de l'eau malgré tout ?
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Certaines parvenaient à se convaincre que si jamais les Troyens gagnaient, ils nous salueraient comme leurs sœurs depuis longtemps perdues. Mais serait-ce le cas ? Ou bien nous verraient-ils comme les esclaves de l'ennemi, dont ils pourraient faire ce qu'ils voulaient ? Je savais ce qui me semblait le plus probable.
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Bref, un bon récit qui saura ravir les amateurs de mythes et de récits légendaires - avec une touche de féminisme qui donne tout l'intérêt du roman. Bien sûr, il est difficile de ne pas comparer ce roman avec « Le chant d'Achille » de Madeline Miller, que j’ai lu et adoré l'année dernière ! Les deux valent la découverte. Il me reste désormais à découvrir « Les exilées de Troie » qui figure d'ores et déjà dans ma bibliothèque.
En quelques mots :
+ voir les récits légendaires sous un nouvel angle
- Briséis est un personnage complexe, ça passe ou ça casse !
Ma note : 3,5/5
Le silence des vaincues | Pat Barker | lu en septembre 2022, éditions Charleston
Pour le moment, je suis plus tentée par Le chant d'Achille, que tu cites en fin de chronique...
RépondreSupprimerJe comprends, ce livre a des avis unanimes ! Je ne peux que t'encourager à le lire <3
SupprimerCoucou, j'ai adoré ce roman et je retrouve mes sensations de lecture dans ce que tu en dis.
RépondreSupprimerMerci pour ce retour :)
Bonne soirée
Oh super, j'ai l'impression de lire beaucoup d'avis mitigés alors c'est chouette de voir que tu as aimé !
SupprimerLes récits de Madeline Miller me tentent de fou, et celui-ci, que je ne connaissais pas, me rend curieuse, j'aimerais bien le découvrir un de ces jours ^^ Merci pour ce retour hyper intéressant sur le roman.
RépondreSupprimerJe suis sûre et certaine que les livres de Madeline Miller te plairaient :D En tout cas, contente de te faire découvrir celui-ci !
SupprimerCe livre me tente vraiment beaucoup ! C'est dommage que tu sois restée de marbre devant Briséis...
RépondreSupprimerOui c'est dommage mais je pense que c'est voulu par l'auteure ^^ en tout cas j'espère que tu pourras le lire vu qu'il t'intéresse ! :)
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