Je lis donc je suis

Difficile de résister à un beau roman récoltant de nombreux avis positifs. Pourtant, même si “Le pont des tempêtes” m’a vite intéressée, j’ai tout de même résisté : le prix de l’édition reliée n’y était pas pour rien (28€, ça commence à faire beaucoup), sans compter ma crainte que le récit ne soit pas à la hauteur de son coût. J’ai pu l’emprunter à ma petite sœur, et bien que l’ensemble du roman m’ait convaincue, je suis bien contente de ne pas avoir investi dans cet objet-livre.

Entraînée aux arts de la guerre, de l’espionnage et de la séduction, Lara est l’arme secrète de son père, le roi de Maridrina. Deux certitudes guident ses pas : le roi Aren d’Ithicana est son ennemi juré, et c’est à elle qu’il revient de le mettre à genoux.
Dans ce monde ravagé par des tempêtes sauvages, le pont qui parcourt Ithicana est la seule voie commerciale, et Ithicana abuse de ce pouvoir pour s’enrichir aux dépens de ses voisins exsangues. Sous prétexte d’honorer un traité de paix, Lara doit épouser le roi Aren… et fracturer les défenses de ce pont imprenable.
Mais alors qu’elle apprend à connaître ce lieu dangereux et envoûtant – un éden luxuriant cerné par des mers tumultueuses –, ainsi que l’homme qui le gouverne, elle remet en question tout ce qu’elle pensait savoir.

Danielle L. Jensen fait très fort : en peu de pages, elle réussit totalement à transporter son lecteur dans son univers aux aspects orientaux. Désert de sable, cité maritime aux dômes bleus, tenues colorées, bijoux et armes ornées de pierres précieuses ; tout est fait pour s’y projeter au mieux. Et ne mentionnons pas les décors à l’apparence paradisiaque d’Ithicana : plages de sable fin, forêts tropicales, hautes falaises, pont gigantesque à l’allure impressionnante… on visite tous ces lieux virtuellement avec une aisance déconcertante - mais tellement agréable ! Une multitude de détails a été pensée, depuis les habitudes de chaque population jusqu’aux alliances politiques. L’univers du “Pont des tempêtes” est certes dense et complexe, mais il est aussi documenté, mature et immersif ; on se plaît à l’explorer. Je regrette cependant qu’une carte représentant les différents lieux n’ait pas été intégrée au roman, car elle aurait nettement amélioré la rapidité de compréhension des enjeux politiques !

Outre ces descriptions poussées, j’ai apprécié tout le contexte imaginé par l’auteure : Lara, princesse cachée depuis sa tendre enfance au sein du royaume, a été élevée pour devenir une tueuse implacable, une espionne irréprochable et insoupçonnable. Pour son père, le roi Silas, elle est LA carte à jouer pour abattre Aren, qui règne depuis peu sur Ithicana, pays ennemi de Maridrina. En effet, le jeune homme a demandé sa main pour honorer un traité de paix, mais il ignore le piège préparé par ses voisins… Une intrigue captivante qui est soutenue par un personnage fort. En effet, là où Aren a peu de consistance et d’intérêt, Lara est combattive, farouche, inarrêtable et entièrement dévouée à la cause qui lui est chère - celle du peuple maridrinien. Ainsi, elle n’hésite pas à mobiliser tous les pions à sa disposition ; jouant de ses charmes pour séduire Aren, utilisant ses connaissances en poisons, tirant des bénéfices de toutes les années d’entraînement subies dans sa jeunesse. Son caractère et son passé sont suffisamment exploités pour faire d’elle un personnage attachant, et ce de la première jusqu’à la dernière page - enfin, presque, mais on y reviendra plus tard. Quant à Aren, au contraire, il est peu mis en avant et quand c’est fait, c’est toujours de manière maladroite ou peu approfondie... Comme s’il suffisait de lire les descriptions de son physique avantageux pour pour s’entiche de lui. Spoiler : c’est faux.

Venons-en au point qui m’a déçue : le déroulement de l’intrigue. Si le début était captivant et promettait des rebondissements, la suite est retombée comme un soufflet ! Je me suis presque ennuyée dans le dernier quart du roman, c’est dire. Certains arcs narratifs se résolvent bien trop facilement et rapidement alors qu’ils ont été mis en place sur quelques centaines de pages. Ce sont surtout les parties du récit impliquant la relation Lara/Aren, qui à aucun moment ne m’a parue naturelle. Je n’ai jamais ressenti un seul atome crochu entre ces personnages et cela s’est confirmé au fil de ma lecture : les déclarations tombent à plat, il n’y a pas de confiance réciproque, et, spoiler : Aren perd toute confiance en Lara alors qu’il affirme l’aimer de tout son cœur depuis des mois et il en vient même à la traiter de “salope” (!!!). En gros, le problème avec l’intrigue, c’est que l’autrice nous promet des merveilles fait monter la pression, accumule les enjeux, et puis d’un coup on n’a plus rien ! Pas de vraie confrontation, et en prime la conclusion est bâclée.

Bref, un roman qui me laisse un goût amer, car il a tout pour lui mais ne tient pas ses promesses. L’univers très riche est captivant, les personnages ont énormément d’atouts, il y a de quoi construire un récit passionnant, or trop d’importance est donnée à la romance, déjà bancale, ce qui brise totalement la mécanique de l’histoire. Bon, on a tout de même quelques rebondissements intéressants, et un personnage badass, mais j’aurais aimé que tout ceci s’intensifie jusqu’à la dernière page !