Toute la lumière que nous ne pouvons voir | Petit bijou aussi fascinant que vibrant !


Alerte coup de cœur ! “Toute la lumière que nous ne pouvons voir” est un excellent roman comme je n'en avais pas lu depuis longtemps. Tout, absolument tout dans ce roman m'a convaincue, m'a fait vibrer, m'a maintenue en haleine et m’a captivée. Retour sur cette lecture aussi passionnante que fascinante !

Le roman nous entraîne, du Paris de l’Occupation à l’effervescence de la Libération, dans le sillage de deux héros dont la guerre va bouleverser l’existence : Marie-Laure, une jeune aveugle, réfugiée avec son père à Saint-Malo, et Werner, un orphelin, véritable génie des transmissions électromagnétiques, dont les talents sont exploités par la Wehrmacht pour briser la Résistance.
En entrecroisant avec une maîtrise éblouissante le destin de ces deux personnages, ennemis malgré eux, dans le décor crépusculaire d’une ville pilonnée par les bombes, Anthony Doerr dessine une fresque d’une beauté envoûtante.

Un mot sur le contexte avant toute chose. Anthony Doerr, comme nombreux autres auteurs avant lui, choisit de nous faire revivre la Seconde Guerre mondiale, aussi bien dans ses prémices - j'entends par là entre 1933 et 1939 - que dans ses derniers jours. Cette période historique me captive à chaque fois ; elle est si proche de nous et semble pourtant si loin au vu des horreurs y ayant été commises. Ici, elle est particulièrement bien illustrée, à travers deux personnages principaux : un orphelin allemand embrigadé dès son adolescence par l’armée, et une jeune française subissant l'invasion allemande, puis la terreur et les restrictions en découlant. Construire un récit à double voix est un procédé intelligent, ici il met en lumière une guerre terrible et ce dans les deux camps. La violence est omniprésente, la jeunesse sacrifiée, les droits humains bafoués, la liberté supprimée.

Il songe à ces mineurs usés par la vie, qu’il voyait dans son enfance, prostrés sur des caisses ou dans des fauteuils, inertes, attendant la mort. Pour eux, le temps était un tonneau qui se vide lentement. Alors qu’en fait, c’est une coupe précieuse ; il faudrait employer toute son énergie à protéger ce qu’elle contient, lutter pour elle. Ne pas en perdre une seule goutte.

Grâce à son cadre, on devine le caractère passionnant du roman ; il l’est d’autant plus car les personnages imaginés par Anthony Doerr sont d'emblée très attachants. Werner, du côté allemand, est élevé dans la pauvreté au sein d’un orphelinat sale qui jouxte les mines : voilà son futur qui lui est rappelé à chaque jour chaque instant. Une vie dans l'obscurité, plongé dans les entrailles de la terre, entouré de ses dangers de tous les instants ; dangers illustrés de la plus terrible des manières puisque cette même mine a déjà emporté son père. Dans cette enfance sombre et miséreuse, sa seule échappatoire est sa passion pour l’électronique : Werner se découvre un don pour la réparation des radios. Personne n’est aussi bon que lui pour déterminer la cause d’un problème ou de comprendre tous les secrets des appareils. Alors quand l'armée du Reich lui propose de rejoindre ses rangs, n'est-ce pas là le moyen de s'extirper de cette vie terne ? Malgré sa sœur qu’il laisse derrière lui, ses principes qu’il doit parfois mettre de côté, la dure vie menée par les instructeurs ?

Quant à Marie-Laure, douce enfant habitant dans un beau quartier parisien, la vie n'est pas toujours des plus tendres : elle perd la vue dès ses 11 ans. C'est ensuite sur son père qu'elle peut compter, à la fois pour se repérer dans la ville, grâce à une maquette qu’il réalise au détail près, mais aussi pour développer sa curiosité : gardien des clés du Musée d’Histoire Naturelle, il emmène sa fille sur son lieu de travail et lui permet de découvrir les fantastiques collections abritées dans les galeries - dont un certain diamant... Mais tout change radicalement le jour où la panique s’empare de Paris en même temps que les chars ennemis sont à l’approche : il est temps pour Marie-Laure de se séparer de tous les repères emmagasinés jusqu’alors pour se retrouver dans l’inconnu…

Quand j’ai perdu la vue, on m’a dit que j’étais courageuse. Quand mon père est parti, on a encore dit que j’étais courageuse. Mais ce n’est pas du courage : je n’avais pas le choix. Tous les matins, je me réveille et je vis ma vie. Pas vous ?

Justement, parlons du lieu choisi comme décor par Anthony Doerr ! Lieu qui, je l'avoue, est en partie à l'origine de mon envie de découvrir le roman. Lieu que je visite tous les étés et que j'aime toujours autant, lieu chargé d'Histoire, de magnifiques paysages, d'odeur saline et de promenades surprenantes : la cité corsaire de Saint-Malo ! Une ville close, née sur un rocher, entourée d'eau et abritée par ses remparts depuis des centaines d'années. Une ville occupée pendant la Seconde Guerre mondiale, avec une force de présence de soldats, due à sa position sur le mur de l'Atlantique, ses nombreux points de vue sur la mer, et la cité fortifiée d’Alet à proximité, en faisait un point stratégique à défendre. A un tel point que pour libérer la ville, cette dernière a été détruite à 80 %. Nombreuses étaient les ruines au matin du 11 août 1944 après le passage des obus américains. Cette partie de l'Histoire est relatée dans ce livre avec un souci du détail particulièrement soigné ; l'auteur a en effet effectué des recherches poussées sur la ville et ses alentours. La rue Vauborel, dans laquelle vit la famille de Marie-Laure, existe bel et bien, et les quelques autres lieux mentionnés tout au long du récit m’étaient très familiers : quel plaisir de pouvoir si bien de représenter l’environnement !

Ce dont je désire te parler aujourd'hui, c'est la mer. Elle a tant de couleurs.
Argent à l'aube, verte à midi, bleu foncé le soir.
Parfois, elle est presque rouge, ou bien elle prend la nuance de vieilles pièces de monnaie.
En ce moment, les nuages passent au-dessus d'elle, et des carrés de lumière se posent un peu partout. Des ribambelles de mouettes y font comme des colliers de perles.
Elle semble assez vaste pour contenir tout ce que l'être humain pourra jamais ressentir.

Attardons-nous désormais sur l'intrigue qui démontre tout l'art et l'habileté d'Anthony Doerr à maintenir son lectorat en haleine. L'auteur nous offre en effet tous les ingrédients nécessaires à un excellent roman ! Avec son récit à deux temporalités, il nous fait découvrir l'enfance des personnages et leur cheminement vers ce fameux mois d'août 1944. On apprend donc à connaître et apprécier les personnages en même temps que la pression monte - à un certain point du récit, le suspense devient si insoutenable qu'il est presque impossible de faire une pause dans notre lecture. Sans oublier que le roman est emprunt de réalisme ; on y ressent toute l’angoisse et l’incompréhension des personnages, les questionnements qui les tiraillent, la réalité de la guerre, les causes de la montée du nazisme en Allemagne, l’embrigadement des jeunes… Il y a aussi des réalités douloureuses comme celles des dénonciations ou des disparitions sans explication, ni aucune information même après la fin de la guerre.

En bref, un excellent roman, impossible à lâcher. Sans être truffé d’action ou de rebondissements, Anthony Doerr maintient une tension folle grâce à un récit captivant et des personnages attachants, évoluant dans un contexte passionnant. En filigrane, il y a le lien avec le diamant, la légende autour de ces derniers…


En quelques mots :
+ tout ! et une adaptation devrait voir le jour !
- le pincement au coeur quand on tourne la dernière page

Ma note : 5/5
Coup de coeur !


Toute la lumière que nous ne pouvons voir | Anthony Doerr
lu en mai 2023 aux éditions Le livre de poche

4 commentaires:

  1. Vu comment tu en parlais, j'avais hâte de pouvoir lire ton retour détaillé sur ce roman. Le contexte historique, la narration, les personnages... Ce livre semble avoir tous les ingrédients pour en faire une lecture qui saura également me marquer. Merci pour la découverte !

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    1. Très contente de te faire connaître ce livre ! Evidemment j'espère que tu auras la possibilité de vite le lire, car je suis persuadée que tu aimeras ❤

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  2. J'ai très envie de découvrir ce roman !

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    1. Mais oui, fonce ! Il est excellent 😍 (en toute objectivité bien sûr 😂)

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Je lis et je réponds aux commentaires !

Créé par Pauline LF. Fourni par Blogger.