Prince captif #1 et #2 | Un excellent world-building peut cacher une relation malsaine !


Lorsqu'un roman est plébiscité par les réseaux sociaux, je suis toujours curieuse de savoir ce qui se cache derrière sa couverture - je suis surtout motivée à comprendre pourquoi tant de personnes semblent être unanimes. Avec “Prince captif”, c'est différent. Si le roman a beaucoup tourné sur les réseaux, j’ai pu lire des avis de lecteurs très enthousiastes, tandis que d'autres indiquaient clairement avoir été dégoutés par le roman, à un tel point qu'ils n'avaient pas pu le lire entièrement. Tout ceci m'intriguait beaucoup... j'ai donc sauté sur l'occasion qui se présentait à moi pour le lire.

Damen est un héros pour son peuple et le légitime héritier du trône d'Akielos. Mais lorsque son demi-frère s empare du pouvoir, Damen est capturé, dépouillé de son identité et offert comme esclave au prince d'un royaume ennemi. Beau, manipulateur et létal, son nouveau maître, le prince Laurent, incarne ce qui se fait de pire à la cour de Vere. Mais dans la toile mortelle de la politique Vérétienne, les apparences sont trompeuses, et lorsque Damen se retrouve pris dans un jeu de pouvoir pour le trône, il doit s'allier à Laurent afin de survivre et sauver son royaume.
Sans jamais oublier une règle vitale : cacher sa véritable identité à tout prix. Car l'homme dont il a besoin est celui qui a le plus de raisons de le haïr...

Disons clairement ce que la maison d'édition n'a même pas daigné indiquer sur les premières pages : ce roman n'est pas à mettre dans les mains de tous ! Il doit même être enlevé des rayonnages des romans “jeunesse” ou “adolescent”. En effet, “Prince captif” présente des scènes explicites qui peuvent être très choquantes par leur violence inouïe, et un sentiment de malaise plane sur l’entièreté du récit. On assiste notamment à une scène de viol au beau milieu d’une arène bondée, les spectateurs s’étant déplacés pour y assister, comme à leur habitude. On subit des scènes de torture, un personnage est fouetté jusqu’à ce que mort s’ensuive - ou presque - et de nombreuses autres violences physiques sont citées et décrites. On constate également des viols à tout va, de la pédophilie, … Bref, une foule de choses qui me font dire que ce roman n’a pas du tout sa légitimité dans les étagères des livres populaires ! Il doit au minimum y avoir un avertissement. Je regrette vivement que la maison d'édition n'ait rien fait à ce sujet.

- Tu n'as pas de frère [...] Tu n'as pas de famille.Tu n'as ni nom, ni position.
Tu devrais l'avoir compris, à présent.

Quant à toute cette violence, c’est parfois un peu trop. Elle est omniprésente dans le premier tome et je n'ai pas toujours compris l’intérêt de toutes ces scènes. D’autant plus quand on sait que le livre est catégorisé comme une romance… cela m’a mis très mal à l’aise de constater que les personnages développaient effectivement une relation affectueuse, alors qu’on parle d’esclavage, de coups et blessures, etc. Romancer ce genre de comportement n’est à mon sens pas une bonne chose ; cela banalise la violence, la normalise, habitue les lecteurs et lectrice à ce genre de relation… et puis après quoi ? Quid de la vraie vie ? Ce ressenti négatif s’accompagne d’une façon de narrer le récit assez étrange. Autant l’histoire était captivante, autant l’autrice laisse planer énormément de secrets sans jamais les expliquer. Elle disperse des non-dits dans tous les chapitres ou presque, les alliances et allégeance changent d'une page à l'autre, et on ne sait jamais à qui se fier. Même en tant que lecteur, nous n'avons le droit à aucune explication claire et précise ! Loin d'être anecdotique, cela a réellement perturbé ma lecture qui était certes fluide mais assez déstabilisante.

Pour vous donner un exemple, je parlerai des rapports amoureux. Dans ce roman, l’autrice mentionne quasiment uniquement des relations homosexuelles : tous les hommes du royaume couchent avec d'autres hommes car il est très mal vu d'être surpris avec une femme au lit. Pourtant, il est de notoriété publique que Damen a eu une relation avec Jokaste, et que son frère Kastor a également partagé sa couche - ils attendent d’ailleurs un enfant. Donc… quelle est la logique à comprendre ? Les hommes s’affichent ensemble en public, et pourtant les couples influents sont hétérosexuels (Kastor et Jokaste, Guion et Loyse, le père de Damen et la reine…) ? Cette dualité m’a laissée perplexe.

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J’ai apparemment couché avec mon ennemi, intrigué contre mes intérêts, et fomenté mon propre assassinat. J’ai hâte de découvrir quelles autres prouesses je m’apprête à accomplir.

Cela dit, “Prince captif” possède indéniablement des qualités, à commencer par des personnages magnétiques qui se dévoilent page après page. Damen est aussi sanguin et droit dans ses bottes que Laurent est manipulateur et d'un esprit mathématique, réagissant au quart de tour face à toute épreuve. De plus, C. S. Pacat maîtrise son récit de bout en bout ; l'histoire nous entraîne sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle. Elle dose avec brio les intrigues politiques, batailles, négociations et moments tendres. Si ces derniers n'avaient pas reposé sur une relation malaisante unissant maître et esclave, j'aurais sans doute adoré le roman ! Bon, et sous réserve d’avoir tout compris... encore une fois je regrette que plusieurs échanges ou scènes d'action ne soient pas suffisamment explicites !

Laurent était un nid de scorpions dans le corps d’un jeune homme.

Bref, une découverte plutôt déstabilisante ! Les très bons éléments de world-building et d’intrigue s’entrechoquent avec toute la violence subie et imposée, ainsi qu’une relation très nauséeuse. Heureusement, le second tome s’éloigne un peu de la cour de Vère et de ce déchaînement d’agressivité, pour se concentrer sur la politique et la conquête du pouvoir. Evidemment, j’ai très envie de lire la conclusion de cette saga dynamique et cruellement captivante !


En quelques mots :
+ l'excellent world-building (description des lieux, complexité des intrigues, etc)
- la relation amoureuse repose sur des bases plus que malsaines

Ma note : 3/5


L'esclave & Le roi (Prince captif #1 et #2) | C. S. Pacat
lu en août 2023 aux éditions Bragelonne

10 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ta chronique, qui met bien en avant les qualités mais également les défauts de ce roman. Pour ma part j'avais commencé à le lire, mais j'avais abandonné ma lecture. En fait je ne m'attendais pas à cette violence, rien dans le résumé, dans la couverture, ne laissait présager une telle histoire. Et je n'ai jamais compris pourquoi on parle de romance, car comme tu le dis dans ta chronique, la relation entre les deux personnages est très malsaine...

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    1. Ahhh, merci d'aborder un point que je trouve hyper important : il n'y a aucun avertissement !! C'est choquant de savoir que n'importe qui peut tomber sur ce roman et le lire, pensant qu'il s'agit d'une histoire d'amour banale... Mais ce problème est plus général, j'ai l'impression que ces derniers mois, aucune maison d'édition ne prend au sérieux les avertissements de contenu.
      En tout cas, je comprends les raisons de ton abandon. Le début est vraiment très dur à lire. Heureusement, cela s'arrange par la suite, on se concentre surtout sur les intrigues politiques et cela devient passionnant à suivre !

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    2. J'avais emprunté le livre, et c'est encore pire que tu ne le penses : il était dans le rayon "Ado", à côté de Twilight :-( Mais de façon plus générale je suis d'accord avec toi, il faut qu'il y ait plus d'avertissements (surtout quand on voit le nombre de dark romances lues par des jeunes).
      Et même si ça ne l'a pas fait avec moi, c'est cool que la suite t'ait parue un peu plus convaincante !

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    3. Oh la la, terrible 😢 Peut-être que les bibliothécaires n'avaient pas lu le roman... mais tout de même c'est bien dommage 😅

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  2. Comme toi avant ta lecture, j'ai entendu des retours assez mitigés qui m'ont laissée un peu perplexe. Je ne sais pas si je me laisserais tenter... l'aspect banalisation de la violence ne m'attire pas des masses, même si le côté captivant peut avoir ses avantages.

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    1. Arf, c'est vraiment difficile de statuer sur ce roman ! Puisque tu es prévenue de toute cette violence, je pense que tu peux t'y lancer sans trop d'inquiétudes, car tu seras moins choquée par la violence tu roman... enfin j'espère. Une partie de moi t'encourage à le lire car l'autrice a tout de même su créer un univers captivant et un récit prennant !

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  3. Je suis vraiment tentée par ce livre et cela depuis longtemps. Mais d'un côté, j'ai peur que ce soit vraiment trop violent pour moi. J'ai vu à plusieurs reprises qu'il y avait des scènes difficiles à lire. C'est pour ça que je n'ai pas encore craquée.

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    1. Alors alors, après réflexion, j'ai songé au fait que tu avais lu Outlander... il se passe pas mal de choses pas très sympa dans cette saga aussi. Je pense donc que tu serais en mesure de lire cette saga, et sincèrement je pense qu'elle te plairait pour les mêmes raisons que moi 😊

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  4. En vrai, il serait temps de réellement statuer sur le Young Adult en général. J'ai parfois l'impression que des livres davantage pour les adultes se retrouvent en jeunesse/ado parce que très peu de bibliothèques/librairies souhaitent ou ont la possibilité de mettre en place une vraie distinction entre jeunesse - pré-ado et ado - young adult + adulte. Là où je vis il n'y a qu'un espace culturel leclerc pour acheter des livres, et pour eux, le YA c'est avec la littérature adulte, et tout l'espace non-fiction sépare le YA/adulte de l'espace Jeunesse/Ado. Mais c'est vrai que c'est TOUTE la chaîne du livre qui doit bouger, les influenceurs/influences (blog, youtube, etc) pour bien spécifier que ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains, les maisons d'éditions en mettant des avertissements et en dialoguant avec les acteurs/actrices du livre (librairie et bibliothèques). Sans ça, des ados de 12 ans vont encore réclamer Un palais d'épines et de roses ou Prince captif. On a encore du mal à saisir les frontières - trop floues pour ma part - entre ado et YA et c'est un réel souci. J'avais vu la vidéo d'Opalyne sur la saga Gild (https://www.youtube.com/watch?v=A8NiOCkg2Cs) qui là aussi pose pas mal de questions. Passé ça, en tant que roman adulte, il doit être intéressant, peut-être un brin Game of Thrones je suppose. A voir, en ce moment avec les actualités, depuis quelques mois je sature niveau violences et j'ai envie de lectures plus douces et cosy. Mais je suis curieuse de découvrir cette série.

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    1. Hello Marine ! Des mois plus tard, je me rends compte que ton commentaire est passé à la trappe... désolée ! Je rentrais de vacances à ce moment-là, ce n'est pas volontaire :)
      D'autant plus que je trouve ton commentaire super intéressant. Quitte à ce qu'il y ait un petit espace pour les livres, je préfère que ce soit fait comme c'est le cas chez toi. Au moins, un.e ado de 14 ans n'a pas la possibilité de tomber sur un roman qui banalise la violence au sein du couple de cette façon...
      Je vais de ce pas aller regarder la vidéo d'Opalyne que je ne connais pas !

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Créé par Pauline LF. Fourni par Blogger.