Je lis donc je suis

Que ma lecture fut longue ! N’ayant pas tellement l’habitude de lire en anglais, j’ai progressé à l’allure d’une tortue dans ce roman pourtant captivant. Le vocabulaire précis et la plume mature de l’autrice m’ont certes ralentie dans mon rythme de lecture, mais il ne m’ont pas le moins du monde empêchée d’être totalement immergée dans ce récit, qui m’a donc largement convaincue.

De tous temps, ce sont bien souvent les femmes qui payent le prix des crimes des dieux et des hommes.
Le roi Minos règne d'une main de fer sur la Crète, terrorisant ses ennemis vaincus, ses sujets et sa propre famille. Ariane a entendu trop de contes et de récits dans lesquels les plus faibles, les femmes surtout, subissent les conséquences des actes des puissants. Elle, est déterminée à tracer son propre destin. Et parmi les douze otages envoyés pour combattre le Minotaure, Thésée va lui fournir l'occasion de contrer et fuir la tyrannie de son père.
La légende du Labyrinthe s'enclenche. Tour à tour princesse, traitresse, faiseuse de héros... le parcours d'Ariane fut semé d'embuches, à l'instars de celui de sa soeur, Phèdre, mais aussi ponctué de rencontres fabuleuses. En ce temps-là, dieux et héros rodaient sur terre, repoussant les femmes dans l'ombre.

Je ne surprendrai personne en disant que j’adore la mythologie grecque ! Depuis des années, je dévore multiples réécritures et j’apprécie tout particulièrement celles qui mettent en avant des figures féminines. Leur effacement de la mémoire collective est impressionnant : quand on jette un regard en arrière, on constate qu’on se souvient plus facilement de Thésée, qui défie le Minotaure, plutôt que d’Ariane, sans qui Thésée n’aurait jamais pu sortir vivant du labyrinthe. Avec son roman, Jennifer Saint remet donc Ariane au coeur de son histoire, en faisant au passage un titre résolument féministe. J’ai particulièrement aimé la façon dont l’autrice rappelait la place des femmes dans la société grecque, ainsi que le traitement que leur réservaient les dieux - les destins de Méduse et de Héra sont évoqués à plusieurs reprises. 

Outre la dimension féministe du récit, j’ai également aimé la plume de l’autrice ; ses descriptions précises m’ont parfaitement fait voyager le temps de ma lecture à Knossos, Naxos et Athènes. J’ai aimé le fait que des histoires soient contées dans l’histoire principale. Et enfin, j’ai aimé les points de vue d’Ariane et de Phèdre, regards croisés sur leurs vies marquées par l’ego des hommes et les conséquences désastreuses que cela engendre. Les deux soeurs ont beau avoir un destin différent et un caractère opposé, elles sont toutes les deux très attachantes.

Bref, Ariane est une excellente réécriture dont les réflexions féministes m’ont beaucoup plu ! Beaucoup comparent les romans de Jennifer Saint à ceux de Madeline Miller : effectivement, le style est similaire, mais ici on est beaucoup plus porté sur le fait de rendre la parole à une figure féminine. Cela dit je vous recommande chaudement les deux autrices, encore plus quand je vois les très jolies éditions qui sont publiées !

lu en septembre 2024 aux éditions Headline (roman VO)