Méduse | Un texte sombre et fascinant


Un regard à la couverture de “Méduse” suffit pour être captivée. Subjuguée. Presque pétrifiée… Pas mal pour un roman dans lequel l’autrice réinterprète l’histoire d’une des figures les plus célèbres de la mythologie grecque, non ? En tout cas, c’est par un coup d’oeil à la couverture que j’ai découvert le roman, et j’ai été incapable de l’ôter de mes pensées.

On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu'elle en a oublié son véritable prénom. Elle marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres la vue de ses Difformités - des yeux si horribles qu'ils révulsent les femmes et pétrifient les hommes. Elle-même n'a jamais osé se regarder dans un miroir. Martine Desjardins signe ici un récit incendiaire sur la honte du corps, l'oppression et le pouvoir de la féminité. Un renversement des rapports de force qui jette une lumière à la fois crue et raffinée sur la monstruosité.

Attention, ce texte est destiné à un public mature uniquement. Il contient de nombreuses scènes pouvant choquer par leurs descriptions violentes / crues  / glauques.

Martine Desjardins écrit-elle la véritable histoire de Méduse ? Est-ce une réécriture comme on en voit beaucoup ces dernières années ? Non, bien mieux : l’autrice s’approprie toutes les caractéristiques de la Gorgone et nous propose ce roman aux allures modernes, bien qu’il soit tout à fait impossible de dater le récit. On y mentionne des voitures, mais tout nous semble être issu des siècles derniers… Cela dit, peu importe de connaître l’époque, puisque l’intrigue et l’atmosphère si particulières du roman nous captivent immédiatement.

À vrai dire on ne se douterait jamais que les méduses sont venimeuses.
Tu vois, même la beauté la plus fragile peut être monstrueuse.

La plume de Martine Desjardins est véritablement fascinante ; elle fait naître des personnages uniques et totalement en dehors des sentiers battus. Il dégage de son texte une ambiance pesante, sombre, presque anxiogène. Le texte est lui aussi particulier, il a un côté très recherché et pourtant reste accessible. Les chapitres s’enchaînent sans qu’on s’en rende compte !

La Méduse qu’on connaît et celle née sous la plume de Martine Desjardins partagent bien des similitudes : solitude, haine des autres et d’elles-mêmes, regard insoutenable, différences physiques, moqueries... Et puis il y a le mystère autour de Méduse et de son regard : ce secret bien gardé me permet de souligner l’ingéniosité de l’autrice et de sa plume ! Ses yeux deviennent des “monstruosités”, des “atrocités”, des “difformités”, bref une myriade d’adjectifs pour les décrire… Nombreux sont les passages du romans m’ayant marquée, qu’il s’agisse de métaphores à double sens ou de ces adjectifs cités précédemment. On a presque envie de relire le livre pour l’analyser de A à Z !

J'ai détaillé ses yeux et, avec indulgence, ceux-ci m'ont rendu mon regard sans me révulser. Ils avaient beau être immobiles et absents, ils m'ont paru plus chaleureux que les yeux de ma mère.

Enfin, ce qui m’a plu avec ce court titre, c’est l’évolution de Méduse : cette jeune femme brimée, rabaissée, humiliée, qui n’a jamais été autorisée à être libre ni à vivre pour elle-même, va progressivement se libérer des carcans de la société et des règles qu’on lui impose. Quelle jouissance d’assister à une telle émancipation ! Quel plaisir de parcourir un roman aussi riche, une plume aussi originale ! “Méduse” est assurément un texte que je recommande à celleux en quête d’une pépite cachée.

Bref, dire que “Méduse” fut une lecture marquante est un euphémisme. J’ai eu un véritable coup de coeur pour ce texte et son histoire puissante qui se démarque sans difficulté des autres réécritures inspirées de la mythologie grecque !

Ma note : 5/5


Méduse Martine Desjardins
lu en décembre 2023 aux éditions Atalante

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Je lis et je réponds aux commentaires !

Créé par Pauline LF. Fourni par Blogger.