Je lis donc je suis

À elle seule, la couverture de « Betty » m'avait donné envie de lire le roman. Par la suite, le résumé est venu renforcer ma curiosité, amenant ainsi très vite le roman dans ma bibliothèque. Cependant, l'appréhension liée au décalage entre mes attentes et la réalité m'a longtemps tenu éloigné de ce roman... Que j'ai fini par lire fin décembre 2022 : une excellente façon de terminer l'année, « Betty » étant aussi puissant que je l’avais imaginé ! Une lecture marquante qui est assurément un beau coup de cœur.

“Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.”
La Petite Indienne, c’est Betty. Née en 1954 dans une baignoire, Betty Carpenter est la sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la bonne société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie alors sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années.
Betty raconte les mystères de l’enfance et la perte de l’innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle.

« Betty » nous immerge, dès les premières pages, dans l'Amérique profonde des années 50 telle qu'on se l'imagine : rurale, pauvre, cruelle, raciste et sexiste. En effet, Tiffany McDaniel plante immédiatement en mettant des mots simples sur toute la violence et la cruauté de cette époque. Elle évoque notamment le rejet d'une jeune femme par ses parents à cause de la couleur de peau de son futur mari ; la mort précoce des enfants bas âge ; la pauvreté et ses conséquences ; et j'en passe. Un contexte dur, en guise d’introduction à l'histoire de Betty. Mais une histoire qui nous happe, sans relâcher une seule seconde l’emprise qu’elle porte sur son lecteur !

Si les personnages inspirants ont toujours eu ma préférence, Betty est sans aucun doute l’un d’entre eux. La « petite indienne » si chère au cœur de son père, vit dans sa jeunesse tout ce qu’on ne souhaite à personne. Elle endure moqueries incessantes - liées à sa famille, la couleur de peau -, est témoin de violence inouïe et même de morts traumatisantes, constate l’intensité de la dépression, est victime d’intimidation, vit dans la pauvreté, bref, rien n’épargne la petite fille. Pourtant, loin de tomber elle-même dans la drogue ou autres excès pour fuir la réalité, Betty se la joue poète, passe son temps à écrire et s’enrichit chaque jour des histoires Cherokee qui lui conte de son père. La douceur de ces témoignages contraste avec la dureté de la réalité. Tiffany McDaniel réussit à mettre de la poésie et de la beauté dans cette vie, grâce à la force de ses personnages, leur caractère, et leur héritage.

Impossible de ne pas s'attacher à la famille Carpenter tant l'auteure nous fait nous sentir bien à leurs côtés, malgré ce qui peut leur arriver de terrible. Ils sont touchants, parfois frustrants ou détestables, à la fois cruels et violents mais aussi très innocents. On pleure pour leur mort, on se réjouit de leurs rires, on s'émerveille de les voir réussir et grandir. Encore une fois, le tout étant magnifié par la plume de Tiffany McDaniel et de tous les détails qu'elle ne manque pas d’ajouter au sujet de ses personnages ! Je pourrais ainsi mentionner Lint et ses cailloux, Trustin et son talent pour le dessin, Betty, la « petite indienne » poète et écrivaine, Flossie qui rêve de devenir une star, Freya et ses cheveux blonds, parfumés au pissenlit…

Autant j'ai aimé ma lecture, autant j'ai été touchée par le sort de ces enfants, leur complicité, toutes les réflexions de Betty sur la nature humaine et la place des femmes dans la société, le racisme qu'elle subit en pleine face, bref, TOUT. Ce livre est incroyablement puissant, indéniablement marquant, passionnant, terrible, à couper le souffle, simplement inoubliable. Bref, un titre qui restera longtemps dans ma mémoire de lectrice. Et qui, je l’espère, pourra également marquer la votre !

+ l'écriture de l'auteure, ses personnages, l'héritage Cherokee

- un récit dur sans mentions ni avertissements

lu en décembre 2022 aux éditions Gallmeister